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Hommes et territoires aux XIXe et XXe siècles - Corpus de textes


2 septembre 1887 - Décret portant organisation du service judiciaire à Obock
Rapport au président de la République

Monsieur le Président,
M. le commandant d’Obock a appelé l’attention de l’administration des Colonies sur la nécessité d’organiser la justice dans notre colonie de la mer Rouge.
Jusqu’à présent, en raison du petit nombre d’habitants européens, l’autorité judiciaire n’était pas représentée; le développement des relations commerciales de la colonie avec la métropole ou les populations de l’intérieur, me fait penser que le moment est venu de combler cette lacune.
J’estime, cependant, que le nombre des affaires ne sera pas assez important pour motiver la présence d’un magistrat dans la colonie et qu’il suffirait, ainsi que cela a eu lieu au début de la plupart de nos colonies, d’attribuer les fonctions judiciaires à des officiers ou fonctionnaires choisis dans le personnel et service dans la colonie.
Le projet de décret ci-joint a été préparé dans ces ordre d’idées et a reçu l’adhésion de M. le garde des Sceaux.
J’ai, en conséquence, l’honneur de vous prier de bien vouloir le revêtir de votre signature.
Je vous prie d’agréer, monsieur le Président, l’hommage de mon profond respect.
E. Barbey, ministre de la Marine et des Colonies

Le président de la République française,
Sur le rapport du ministre de la Marine et des Colonies et du garde des Sceaux, ministre de la Justice;
Vu l’article 18 du senatus-consulte du 3 mai 1854,

Décrète :

Art. 1er - Une justice de paix à compétence étendue est instituée à ObocK.
Art. 2 - Les fonctions de juge de paix sont remplies par l’officier du commissariat chargé du service administratif, ou, à son défaut, par un officier ou fonctionnaire désigné par le commandant.
Les fonctions du ministère public, de greffier-notaire et d’huissier sont remplies par des officiers, agents ou focntionnaires désignés par le commandant.
Art. 3 - Le tribunal de paix connaît de toutes les affaires attribuées aux juges de paix en France, de toutes les actions personnelles ou mobilières dont la valeur n’excède pas 1500 fr. et des demandes immobilières jusqu’à 100 fr. de revenu, déterminé soit en rente, soit par prix de bail, à charge d’appel devant le conseil d’appel dont il sera parlé plus loin.
Art. 4 - La procédure suivie dans les affaires énumérées à l’article précédent est celle déterminée par les tribunaux de paix en France.
Art. 5 - Indépendamment des fonctions départies aux juges de paix par le Code civil, le Code de procédure civile et le Code de commerce, le juge de paix à compétence étendue d’Obock a les attributions dévolues aux présidents des tribunaux de première instance. Il surveille spécialement l’administration des successions vacantes.
Art. 6 - Les affaires civiles portées au tribunal de paix sont dispensées du préliminaire de conciliation. Toutefois, dans toutes les causes, excepté dans les cas prévus à l’article 49 du Code de procédure civile et lorsque le défendeur est domicilié hors de la colonie d’Obock et de ses dépendances, aucune citation ne peut être donnée sans qu’au préalable le juge de paix n’ait appelé devant lui les parties, par un avertissement, conformément aux dispositions de l’article 1er de la loi du 2 mai 1855.
Art. 7 - Le juge de paix connaît, en matière de simple police et de police correctionnelle, en premier ressort, de toutes les contraventions déférées par les lois et réglements aux tribunaux de simple police et des délits.
Art. 8 - Le juge de paix suivra, en matière correctionnelle et de simple police, la procédure des tribunaux de simple police en France.
Toutefois, il sera investi des pouvoirs conférés par les articles 268 et 269 du Code d’instruction criminelle, et les jugements contradictoires seront exécutés sans signification préalable.
Il sera saisi par le ministère public ou directement par la citation donnée au prévenu à la requête de la partie civile.
Art. 9 - L’appel des jugements rendus en premier ressort par le tribunal de paix d’Obock est porté devant un conseil d’appel composé du commandant et de deux assesseurs.
Art. 10 - Le conseil d’appel, constitué en tribunal criminel spécial, connaît des crimes commis sur le territoire d’Obock et dépendances.
Art. 11 - Les fonctions du ministère public et de greffier sont exercées par les titulaires de ces emplois prévus à l'article 2 du présent décret.
Le juge de paix d’Obock remplit les fonctions de magistrat instructeur.
Le tribunal criminel spécial est saisi par le ministère public.
Art. 12 - Les formes de la procédure, ainsi que celles de l’opposition devant le tribunal criminel spécial, sont celles qui sont suivies en matière correctionnelle.
Les décisions du tribunal criminel spécial ne sont pas sujettes à l’appel. Elles sont susceptibles du recours en cassation, dans l’intérêt de la loi et conformément aux article 441 et 442 du Code d’instruction criminele.
Art. 13 - En toute matière, les tribunaux d’Obock se conformeront à la législation française en tout ce qui n’est pas contraire au présent décret.
Art. 14 - Avant d’entrer en fonctions, l’officier investi des attributions de juge de paix prête serment devant le commandant.
Il reçoit celui du greffier.
Le Conseil d’appel reçoit le serment de ses membres.
Art. 15 - Sont maintenues, en matière civile, les juridictions indigènes actuellement existantes.
Art. 16 - Le ministre de la Marine et des Colonies et la garde des Sceaux, ministre de la Justice, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera inséré au Journal officiel de la République française, au Bulletin des lois et aux Bulletin officiel de l’administration des Colonies.

Fait à Mont-sous-Vaudrey, le 2 septembre 1887
Signé : Jules Grévy, président de la République
Le ministre de la Marine et des Colonies, E. Barbey
Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, C. Mazeau
Référence Bulletin Officiel des Colonies, 1887, pp. 648-651
Pour citer ce document djibouti.frontafrique.org/?doc247, mis en ligne le 12 janvier 2011, dernière modification le 15 septembre 2013, consulté le 27 avril 2024.

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