Tracer des frontières à Djibouti

Hommes et territoires aux XIXe et XXe siècles - Corpus de textes


22 janvier 1936 - Décret portant organisation à la Côte française des Somais de l’état civil des étrangers jouissant d’un statut spécial
Rapport au Président de la République française

Paris, le 22 janvier 1936
Monsieur le Préseident,
Dans la colonie de la Côte française des Somalis, les Français et les étrangers de statut européen sont inscrits sur les registres de l’état civil français et soumis en cette matière aux règles édictées par le Code civil, alors que les indigènes sont inscrits sur les registes d’un état civil indigène adapté aux coutumes locales et organisé par arrêté du chef de la colonie.
Cette législation n’a pas réglé le sort de certains étrangers asiatiques ou africains qui, bien que soumis aux juridictions françaises, possèdent un statut spécial coranique ou mosaïque, par exemple, dont les principes sont incompatibles avec les dispositions du Code civil.
Il nous est apparu nécessaire de combler cette lacune et de créer dans la colonie susvisée une troisième catégorie d’état civil tenant compte de la situation particulière de ces étranger.
Tel est l’objet du présent projet de décret qui nous avons l’honneur de soummettre à votre haute sanction.

Le ministre des Colonies, Louis Rollin
Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Léon Bérard

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Le Président de la République française,
Vu l’article 18 dy sénatus-consulte du 3 mai 1854;
Vu l’ordonnance organique du 18 septembre 1844, rendue applicable à la colonie par décret du 18 juin 1884;
Vu le décret du 4 février 1904 portant réorganisation de la justice à la Côte française des Somalis et les textes qui l’ont modifié;
Vu le décret du 2 avril 1927 réorganisant la justice indigène la Côte française des Somalis;
Vu le décret du 16 mai 1928 modifiant le décret du 2 avril 1927,

Décrète :

I - Actes de l’état civil
Art. 1er - Il est procédé à la constitution, dans le territoire de la Côte française des Somalis, d’un état civil distinct pour les ressortissants étrangers asiatiques et africains assimilés aux Européens mais jouissant d’un statut spécial incompatible avec les règles du Code civil.
Art. 2 - Les actes de l’état civil de ces ressortissants étrangers seront reçus à Djibouti par l’officier de l’état civil.
Art. 3 - Les naissances, reconnaissances, adoptions, décès, mariages, dissolutions ou annulations de mariages, seront inscrit au fur et à mesure de leur déclaration sur un registre tenu en double expédition de même format par l’officier de l’état civil de Djibouti. Chacune de ces expéditions sera cotée et paraphée par premier et dernier feuillet par le président du tribunal de grande instance.
Art. 4 - Les actes d’état civil énonceront :
1. L’année, le jour et l’heure où ils seront reçus;
2. Les noms, prénoms et qualités du rédacteur;
3. En ce qui a trait aux personnes dénommées à l’acte, leur nom indigène et leur nom européen, si elles en portent un, leur date de naissance ou âge approximatif, leur lieu de naissance, leur tribu, leur profession et leur domicile.
Devront aussi être désignés :
a) Les pères et mères dans les actes de naissance et de reconnaissance;
b) L’enfant dans les actes de reconnaissance;
c) Les époux dans les actes de mariage;
d) Le défunt dans les actes de décès;
e) L’adopté et l’adoptant dans les actes d’adoption;
f) Les anciens époux dans les acte de dissolution ou annulation de mariage.
ART. 5 - Les témoins de l’un et l’autre sexe produits aux actes de l’état civil devront être âgés de 21 ans au moins.
Art. 6 - Les actes ne contiendrons soit par note, soit par énonciation quelconque, que ce qui doit être déclaré par les comparants.
Art. 7 - Les actes seront inscrits sur les registres, de suite, sans aucun blanc. Les ratures et les renvoiss eront approuvés et signés de la même manière que le corps de l’acte. Il ne sera rien écrit par abréviation et aucune date ne sera mise en chiffre.
Art. 8 - L’acte rédigé sera lu aux parties comparantes et aux témoins et traduit verbalement s’il y a lieu.
Art. 9 - Les actes seront signés par le fonctionnaire d’état civil, les comparants et les témoins, ou mention sera faite de la clause qui empêchera les comparants et les témoins de signer.
Art. 10 - A la fin de chaque année, les registres seront clos et arrêtés par le fonctionnaire de l’état civil et, dans le mois, un exemplaire sera transmis au procureur de la République pour vérification, puis déposé au greffe du tribunal de première instance.
L’autre exemplaire sera conservé par le fonctionnaire de l’état civil et conservé dans ses archives.
Art. 11 - Toute personne pourra se faire délivrer par les dépositaires des copies des actes isncrits sur les registres.
Les copies devront être délivrées conformes aux registres, faire mention des transcriptions et inscriptions mises en marge, porter en toutes lettres la date de leur délivrance, être revêtues de la signature et du sceau de l’autorité qui les aura délivrées.
Art. 12 - En ce qui concerne les actes antérieurs à la date de promulgation à la colonie du présent décret, de même que pour els actes postérieurs inscrits sur des registres qui auraient été perdus ou détruits, la preuve en sera reçue tant par titres que par témoins, et, dans ce cas, les mariages, naissances et décès pourront être prouvés tant par les registres et papiers émanés des père et mère décédés, que par témoins.
Art. 13 - Le procureur de la République sera tenu de vérifier l’état des registres, lors du dépôt au greffe du tribunal de première instance en fin d’année. Il dressera une procès-verbal sommaire de la vérification et pourra poursuivre judiciairement les fonctionnaires de l’état civil qui se seraient rendus coupables d’altérations ou de faux dans l’établissement des actes.
Art. 14 - Le fonctionnaire de l’état civil sera tenu, à la fin de chaque année, de dresser, par ordre alphabétique, la table de tous les actes reçus dans l’année.
Ces tables seront isncrites à la suite de chaque registre.
Art. 15 - Tous les actes d’état cicil seront portés sur un même registre.
Art. 16 - Les rectifications des actes erronés seront ordonnées par le président du tribunal de Djibouti sur requête du procureur de la République ou sur demande des intéressés, après enquête faite par le procureur de la République.

II - Des actes de naissance
Art. 17 ^Toute naissance survenue dans le territoire de la colonie devra être déclarée au cercle de Djibouti dans le délai de trente jours par le père ou par le chef du groupe ou par le médecin ou la sage-femme ayant procédé à l’accouchement, ou par la personne chez que ce dernier se sera produit.
Art. 18 - Si la naissance n’est pas déclarée dans le délai légal, elle ne pourra être inscrite sur les registres qu’après autorisation du procureur de la République.
Art. 19 - En outre des énonciations prévues à l’article 4, l’acte de naissance énoncera : le jour, l’heure et le lieu de la naissance, le sexe de l’enfant, ainsi qus les noms indigènes (et, s’il y a lieu, européens) qui lui seront donnés. Si les ^ère et mère de l’enfant naturel ou l’un d’eux ne sont pas désignés au fonctionnaire chargé de l’état civil, il ne sera fait sur les registres aucune mention à ce sujet.
Art. 20 - Toute personne qui aura trouvé un enfant nouveau-né sera tenu de le remettre au fonctionnaire de l’état civil, ainsi que les vêtements et autres effets trouvés avec l’enfant et de déclarer toutes les circonstances du temps et du lieu dans lesquelles il aura été trouvé. Procès-verbal de ces déclarations sera inscrit à sa date, sur les registres de l’état civil, il y sera mentionné l’âge apparent de l’enfant, son sexe, les noms qui lui seront donnés, l’autorité civile à laquelle il sera remis.
Art. 21 - Nul, à l’exception du procureur de la République, de l’enfant, de ses ascendants en ligne directe, de son conjoint, des son tuteur ou de son représentant légal s’il est mineur ou en état d’incapacité, ne pourra obtenir une copie conforme d’un acte de naissance autre que le sien, si ce n’est en vertu d’une autorisation sans frais délivrée par le président du tribunal de Djibouti.
Les dépositaires des registres seront tenus de délivrer à tout requérant des extraits indiquant sans autres renseignements : l’année, le jour, l’heure et le lieu de naissance, le sexe de l’enfant, les prénoms, professions et domicile des père et mère tels qu’ils résultent de l’acte de naissance ou des mentions contenues en marge de cet acte.

III - Reconnaissance d’enfants naturels
Art. 22 - La reconnaissance d’un enfant naturel ne peut être faite qu’avec le consentement de celui de ses deux parents déjà connu et, si aucun de ses parents n’est connu, qu’avec le consentement de la personne qui l’a élevé. Si l’enfant a plus de 18 ans, son consentement sera, en outre, exigé. Le fonctionnaire chargé de l’état civil devra refuser d’inscrire une reconnaissance qui lui paraîtrait frauduleuse et en rendre compte aussitôt au procureur de la République.

IV - Adoptions
Art. 23 - L’adoption dans ses formes et effets est régie par la coutume des intéressés.
Art. 24 - Toute adoption sera inscrite à sa date sur les registres de l’état civil.
L’inscription devra contenir les énonciations prévues à l’article 4 en ce qui concerne l’adopté, ses père et mère s’ils sont connus, ses précédents adoptants et le nouvel adoptant.
Si l’adopté a plus de 18 ans, son consentement est nécessaire.
Mention de l’adoption sera faite en regard de la déclaration de naissance de l’enfant ou de la précédente adoption.

V - Des actes de mariage
Art. 25 - Les mariages sont régis par la coutume des parties. Il en est de même de la dissolution ou de l’annulation du mariage.
Art. 26 - Les conjoint devront déclarer leur mariage dans les trente jours de la célébration au fonctionnaire de l’état civil de Djibouti.
Les dissolution pour autre cause que le décès devront être déclarées dans les mêmes conditions ar les ex-conjoints.
Les mariages et les dissolutions ou annulations quelle qu’en soit la cause, seront inscrits en marge de l’acte de naissance des intéressés. L’inscription comprendra la nature de l’acte et sa date.
Art. 27 - L’acte de mariage devra contenir les énonciations prévues à l’article 4 pour chacun des époux. En cas d’omission de la déclaration de mariage ou d’erreur dans l’établissement de l’acte, la rectification de l’omission ou de l’erreur pourra être demandée par tous les intéressés au procureur de la République, aui, après enquête, statuera.
Le mariage déclaré après le délai fixé à l’article 26 ne pourra être inscrit que sur ordonnance du procureur de la République et dans les conditions et formes spécifiées aux articles 27, paragraphe 1er, et 26, paragraphe 3, ci-dessus.

VI - Des actes de décès
Art. 28 - Le décès est déclaré dans les huit jours au fonctionnaire de l’état civil de Djibouti par le chef du groupe du décédé.
Art. 29 - L’acte de décès devra mentionner :
1. Le jour et le lieu du décès;
2. Les énonciations prévues à l’article 4 en ce qui concerne la personne décédée, son époux vivant, s’il y a lieu et le déclarant;
3. Les noms européens et indigènes du déclarant, et, s’il y a lieu, son degré de parenté avec la personne décédée.
Art. 30 - Lorsqu’il y aura des signes ou indices de mort violente ou d’autres motifs de la soupçonner, on ne pourra faire l’inhumation qu’après qu’un officier de police assisté si possible d’un docteur en médecine aura dressé procès-verbal de l’état du cadavre et des circonstances relatives au décès, ainsi que des renseignements qu’il aura pu recueillir sur les noms européen et indigène, âge, profession et domicile de la personne décédée.
Les cas de mort violente indiquées à l’alinéa précédent seront portés immédiatement par le chef de tribu à la connaissance de l’officier de police du ressort.
Art. 31 - Les décès survenus dans des formations sanitaires ou dans les maisons de détention, à l’hôpital seront déclarées sans délai au fonctionnaire de l’état civil de Djibouti par les directeurs de ces formations et maisons de détention.
Art. 32 - L’inscription du décès ne pourra avoir lieu après le délai fixé à l’article 28 que dans les conditions et formes indiquées à l’article 18 ci-dessus pour les déclarations tardives de naissance et à l’article 29 concernant les mentions à insérer dans l’acte de décès.
Art. 33- Mention du décès devra toujours être faites par les soins du fonctionnaire chargé de l’état civil en marge de l’acte de naissance du défunt, et de celui de son conjoint s’il est marié.

VII - Fichier
Art. 34 - Le greffier du tribunal de première instance à Djibouti tiendra un fichier indiquant par ordre alphabétique et par race les actes ayant trait à une même personne.
Ce fichier sera mis à jour chaque année lors de la réception par le greffe de l’exemplaire des actes qui lui est destiné, conformément aux dispositions des articles 10 et 13 ci-dessus.

VIII - Sanctions
Art. 35 - Toute personne obligée à faire une déclaration de naissance, de mariage ou de décès et qui, sans motif valable, a omis ou négligé de le faire, sera punie d’une amende de 10 à 50 francs.
Toute personne qui, volontairement, fera ou laissera faire une fausse déclaration à l’officier de l’état civil ou qui donnera sciemment des renseignements faux, incomplets ou inexacts, sera punie d’un emprisonnement de trois mois à un an et d’une amende de 100 à 1000 francs.
Art. 36 - Tout officier d’état civil qui, par manque de soins, aura détruit, altéré, effacé ou perdu un registre d’état civil, qui aura négligé d’enregistrer une naissance, un mariage ou un décès dont il aurait reçu la déclaration ou qui aura souffert qu’on altère ou détruise un registre dont la garde lui est confiée, sera puni conformément à la loi.
Art. 37 - La rectification des actes sera ordonnée par le tribunal de première instance sur la demande des parties intéressées ou du ministère public.
Art. 38 - Les jugements de rectification sont inscrits en marge des actes rectifiés sur les registres de l’état civil.
Art. 39 - Le ministre des colonies et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française et au Journal officiel de la Côte française des Somalis et inséré au Bulletin officiel du ministère des colonies.

Fait à Paris, le 22 janvier 1936,

Albert Lebrun, président de la République,
Louis Rollin, ministre des colonies
Léon Bérard, garde des sceaux
Référence JO CFS 2/1936, p 32-33
Pour citer ce document djibouti.frontafrique.org/?doc296, mis en ligne le 9 mai 2018, dernière modification le 19 avril 2020, consulté le 21 novembre 2024.

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