|
5 mars 1927 - Décret relatif aux pouvoirs des gouverneurs en ce qui concerne l’administration de la justice
Rapport au président de la République française
Paris, le 5 mars 1927 Monsieur le Président, les pouvoirs des gouverneurs, quant à l’administration de la justice, sont déterminés dans les textes qui organisent les gouvernements d’un certain nombre de colonies. Dans d’autres possessions, et non des moindres, le texte fondamental se contente de poser le principe que le gouverneur est dépositaire des pouvoirs de la République, sans préciser quels seront ces pouvoirs en ce qui concerne l’administration de la justice. Il en résulte non seulement une diversité de textes rendant les recherches particulièrement difficiles, mais une confusion dans la législation suivant que le législateur a ou non précisé les prérogatives du chef de la colonie en la matière. C’est ainsi que, dans un premier groupe comprenant : les Antilles, la Réunion, la Guyane, les établissements français de l’Inde, le Sénégal et dépendances, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Côte française des Somalis, la Nouvelle-Calédonie et les établissements français de l’Océanie, ce sont les grandes ordonnances de la Restauration ou des décrets plus récents qui ont statué sur ces pouvoirs d’une façon explicite. Ces textes se sont bornés, d’une façon générale, à adopter les dispositions des ordonnances fondamentales des 21 août 1825 et 9 février 1827, modifiées par l’ordonnance du 22 août 1833. Par contre, à Madagascar et en Indochine, les décrets qui organisent ces gouvernements généraux font bien du gouverneur général le dépositaire des pouvoir de la République, mais ne contiennent aucune disposition spéciale relative à ses droits et prérogatives en matière judiciaire. En Afrique équatoriale française, le décret du 28 septembre 1897, qui a organisé le Congo français, a précisé dans son article 2, alinée 2, que l’ordonnance du 7 septembre 1840 prise pour le Sénégal et dépendances serait également applicable dans le territoire du Congo. Enfin, dans les territoires à mandat du Cameroun et du Togo, le décret du 22 mai 1924 a rendu applicable d’une façon indirecte l’ordonnance du 7 septembre 1840, concernant le Sénégal et dépendances. Le moment paraît donc venu d’opérer une fusion de ces divers textes et de mentionner dans un décret unique les pouvoirs des gouverneurs de toutes nos possessions d’outre-mer quant à l’administration de la justice. Dans ce but, j’ai fait préparer, d’accord avec monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice, le projet de décret ci-joint, que je vous serais obligé de bien vouloir revêtir de votre signature. Veuillez agréer, monsieur le Président, l’hommage de mon profond respect. Le ministre des colonies, Léon Perrier Le président de la République française, Sur le rapport du ministre des colonies et du garde des sceaux, ministre de la justice, Vu les articles 8 et 18 du senatus-consulte du 3 mai 1854; Vu les textes déterminant les pouvoirs des gouverneurs quant à l’adinistration de la justice et notamment : L’article 4 du décret du 1er décembre 1858; Les ordonnances des 21 août 1825, 9 février 1827, 27 août 1828, 22 août 1833, 23 juillet 1840, 7 septembre 1840, 18 septembre 1841, concernant respectivement le gouvernement des colonies de la Réunion, de la Guadeloupe, des établissements français dans l’Inde, du Sénégal et dépendances, de Saint-Pierre-e-Miquelon, de la Côte française des Somalis; Les décrets du 12 décembre 1874 et du 28 décembre 1885 concernant respectivement le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et des établissements français de l’Océanie; L’article 32 du décret du 18 août 1868 portant organisation de la justice dans les établissements français de l’Océanie et les Etats du protectorat des îles de la Société; Le décret du 15 septembre 1895 portant organisation de la justice en Annam et au Tonkin; L’article 2, alinéa 2, du décret du 28 septembre 1897 portant organisation de la colonie du Congo français; Le décret du 30 juillet 1897 instituant un gouvernement général à Madagascar; Le décret du 20 février 1890 rendant officielle au Tonkin la législation civile et criminelle de Cochinchine; L’article 57 du décret du 19 mai 1919 portant réorganisation judiciaire en Indochine; Le décret du 22 mai 1924 fixant la législation applicable au Cameroun et au Togo, Décrète Art. 1er - Le gouverneur veille à la libre et prompte distribution de la justice et se fait rendre à cet égard par le chef du service judiciaire des comptes périodiques qu’il transmet au ministre des colonies. Art. 2 - Il a entrée et séance à la cour lors de la rentrée des tribunaux et occupera un haut siège sur l’estrade près du président. La présidence d’honneur appartient au gouverneur. L’exercice de ce droit est facultatif. Art. 3 - Dans le cas où le gouverneur se rendra au palais de justice pour prendre séance à la cour lors de la rentrée des tribunaux, il en informera à l’avance le chef du service judiciaire qui en donnera aussitôt connaissance au président. Art. 4 - Le gouverneur sera attendu en avant de la porte du palais par une délégation composée de deux conseillers et du subtitut du procureur général et sera conduit à l’estrade où siège la cour pour y prendre place. Art. 5 - A l’entrée du gouverneur, les membres de la cour se lèveront et se tiendront découverts; ils s’assieront et pourront se couvrir lorsque le gouverneur aura pris place. Art. 6 - Lorsque le gouverneur se retirera, il sera recnduit jusqu’à la porte du palais par la délégation qui l’aura reçu. Art.7 - Les fonctionnaires publics qui accompagneront le gouverneur seront placés dans l’ordre des préséances entre eux sur des sièges en dedans de la barre et au bas de l’estrade où siège la cour. Art. 8 - Lorsque le gouverneur prendra séance à la cour, il ne pourra être prononcé de discours qu’avec son autorisation et après qu’ils lui auront été communiqués. Art. 9 - Dans les affaires qui intéressent le gouvernement, le procureur général sera tenu, lorsqu’il en sera requis par le gouverneur, de faire, conformément aux instructions qu’il en recevra, les actes nécessaires pour saisir les tribunaux. Art. 10 - Le gouverneur pourra faire personnellement ou requérir les officiers de police judiciaire, chacun en ce qui le concerne, de faire tous les actes nécessaires à l’effet de constater les crimes, délits et contraventions et d’en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir. Art. 11 - Il lui est interdit de s’immiscer dans les affaires qui sont de la compétence des tribunaux ni de citer devant lui aucun des habitants de la colonie à l’occasion de leurs contestations soit en matière civile et commerciale, soit en matière criminelle. Il lui est également interdit de s’opposer à aucune procédure civile, commerciale ou criminelle. Art. 12 - En matière civile et commerciale, il ne peut empêcher ni retarder l’exécution des jugements et arrêts à laquelle il est tenu de prêter main-forte losqu’il est requis. Art. 13 - Il peut faire surseoir aux poursuites ayant pour objet le payement des amendes lorsque l’insolvabilité des contrevenants est reconnue, à la charge d’en rendre compte au ministre des colonies. Art. 14 - Il légalise les actes à transmettre hors de la colonie. Il légalise également les actes venant de l’étranger. Il peut se faire suppléer pour l’accomplissement de cette formalité par un fonctionnaire par lui délégué. Art. 15 - Le gouverneur accorde en conseil, en se conformant aux lois et règlements en vigueur, les dispenses en matière de mariage. Art. 16 - En matière pénale, s’il y a eu recours en grâce en faveur du condamné, la transmission du recours au chef de l’Etat est obligatoire. En cas de condamnation à mort et s’il n’y a pas de recours en grâce, le gouverneur saisit le conseil privé, le conseil d’administration ou de protectorat. Il est sursis à l’exécution et fait appel à la clémence du chef de l’Etat si, dans le conseil, deux membres au moins sont de cet avis. Art. 17 - L’article 30 du décret du 15 septembre 1896 ayant trait au fonctionnement des commissions criminelles en Amann et au Tonkin est remplacé par les dispositions suivantes : «Si la réponse de l’accusé est négative, la condamnation sera exécutée à diligence du résident de la province, mais seulement après que le gouverneur général, avisé de cette condamnation, l’aura ratifiée. »Si le condamné déclare se pourvoir, l’arrêt et les pièces de l’instruction sont portées immédiatement par le greffier de la commission au gouverneur général qui saisit dans un délai maximum de dix jours le conseil du protectorat.» Art. 18 - Sont abrogées toutes ordonnances, décrets ou dispositions réglementaires antérieurs relatifs aux pouvoirs des gouverneurs en matière judiciaire. Art. 19 - Le ministre des colonies et la garde des sceaux, ministre de la justice, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret. Fait à Paris, le 5 mars 1927. Par le président de la République, Gaston Doumergue Le ministre des colonies, Léon Perrrier Le garde des sceaux, ministre de la justice, Louis Barthou Promulgué en Côte française des Somalis le 5 avril 1927
Référence Journal officiel de la Côte française des Somalis, avril 1927, pp. 141-142
Pour citer ce document djibouti.frontafrique.org/?doc275, mis en ligne le 13 octobre 2011, dernière modification le 13 octobre 2011, consulté le 21 novembre 2024.
|