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12 novembre 1959 - Traité franco-éthiopien sur le chemin de fer
Traité entre la République française et l’Empire d’Ethiopie
Le Président de la République française, Président de la Communauté, Et Sa Majesté Haïle Selassié 1er, empereur d’Ethiopie, Désireux d’assurer sur la base de la parité et dans les meilleures conditions de rendement l’exploitation de la ligne de chemin de fer reliant Djibouti à Addis-Abéba concédée à la Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien de Djibouti à Addis Abéba respectivement par l’Etat français aux termes de la convention du 8 mars 1909 approuvée par la loi du 3 avril 1909 et par Sa Majesté Ménélik II aux termes du contrat du 30 janvier 1908; Considérant que ce chemin de fer constitue un service public commun, dont le bon fonctionnement doit assurer le développement économique de l’Ethiopie et de la Côte française des Somalis, Ont décidé de conclure un traité fixant le nouveau régime de la Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien de Djibouti à Addis-Abéba et ont désigné à cette fin pour plénipotentiaires : Le Président de la République française, Président de la Communauté : M. Jean Sauvagnargues, ambassadeur de France en Ethiopie, Sa Majesté Haïlé Sélassié 1er, empereur d’Ethiopie : M. Ylma Deressa, ministre des Affaires étrangères de l’empire d’Ethiopîe, Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, reconnus en bonne et due forme, sont convenus des dispostions suivantes : Art. 1er - La Compagnie du chemin de fer franco-éthiopien de Djibouti à Addis Abéba (ci-après désignée comme “la Société”) est régie par le présent traité et son annexe qui en fait partie intégrante. Ces textes fixent les statuts et les règles de fonctionnement de la Société qui ne peuvent être modifiés qu’avec l’accord des deux Gouvernements. En cas de silence du traité ou des statuts, les dispositions du projet de code de commerce éthiopien sont applicables dans la mesure où elles sont pas en contradiction avec le traité et son annexe. Art. 2 - La Société acquiert la nationalité éthiopienne et sera enregistrée en Ethiopie. Son siège social est fixé à Addis-Abéba. Son capital est statutairement réparti à égalité entre les actionnaires français et les actionnaires éthiopiens. Art. 3 - Le transfert en Ethiopie du siège social et le changement de nationalité de la Société ne seront pas considérés comme mettant fin à sa personnalité juridique. En conséquence ces deux opérations ne donneront lieu, de la part des administrations fiscales des Etats contractant ou des collectivités publiques en dépendant à la perception d’aucun impôt ou taxe quelconque. Art. 4 - Les obligations antérieurement émises par la Société et bénéficiant d’une garantie de l’Etat français attachée au titre lui-même continueront à bénéficier de cette seule garantie. Les obligations qui seront émises par le Société pourront jouir de la garantie jointe mais non solidaire des deux Gouvernements, chacun pour la moitié de service. Art. 5 - Si le compte de gestion, défini à l’article 13 des statuts, fait apparaître un déficit, des avances d’une durée minimum de trois ans sont consenties à la Société conjointement mais non solidairement par les deux Gouvernements, dans les limites précisées au présent article et à l’article 6 ci-après. Ces avances, réparties à part égale entre les deux Gouvernements, sont consenties automatiquement dans la proportion des trois quarts du déficit. Elles sont remboursées avec intérêt simple au taux de 3 p. 100. Les bénéfices éventuels de la Société sont affectés par priorité au remboursement par ordre chronologique des avances, conjointes ou non, des deux Gouvernements, quel que soit le terme de ces dernières. Art. 6 - Le montant des avances des deux Gouvernements ne pourra dépasser la contrevaleur en dollars éthiopiens de 600 000 dollars des Etats-Unis par exercice. Si le montant total des avances non remboursées des deux Gouvernements atteint la contre-valeur en dollars éthiopiens de 1 600 000 dollars des Etats-Unis, les deux Gouvernements pourront prescrire conjointement pour telle durée qu’ils jugeront utile toute réorganisation de services, modifications de tarifs et en général toutes mesures propres à rétablir l’équilibre financier de la Société. SI le montant total des avances non remboursées des deux Gouvernements atteint la contrevaleur en dollars éthiopiens de 2 400 000 dollars des Etats-Unis, les avances, par dérogation à l’article 5, seront réparties entre les deux Gouvernements à raison de un quart pour le Gouvernement éthiopien et de trois quarts pour le Gouvernement français. Toutefois, à l’expiration d’une période de quinze ans après l’entrée en vigueur du présent traité, les deux Gouvernements se consulteront en vue de déterminer les conditions financières d’application de l’article 5. Art. 7 - Sauf accord des deux Gouvernement, la Société ne sera assujettie, sur chacun des deux territoires desservis par le chemin de fer, à aucun impôt ou taxe de quelque nature que ce soit, autres que ceux existant à la date d’entrée en vigueur du présent Traité, aux conditions d’assiette et de taux existant à la même date. Le matériel, les combustibles et tout autres approvisionnements importés par Société, directement nécessaires et exclusivement destinés à son activité, seront exempts de droits de douane. Art. 8 - Les revenus de toute nature (salaires, traitements et rémunérations analogues, pensions, redevances, dividendes et intérêts) payés ou distribués par la Société sont imposables en Ethiopie à l’exception de ceux bénéficiant à l’Etat français, des collectivités publiques françaises ou à des personnes physiques ayant leur résidence habituelle ou leur siège dans les territoires de la République française ou d’Etats membres de la Communauté instituée par la Constitution du 4 octobre 1958. Art. 9 - Le Gouvernement éthiopien s’engage, dans les conditions ci-après, à fournir à la Société, par l’entremise de la banque d’Etat d’Ethiopie, sur présentation au contrôle des changes des pièces justificatives et pour les montants y figurant, les devises des pays où la Société doit effectuer des dépenses - ou à défaut les devises permettant d’y faire face - pour la contrevaleur des versements effectués en dollars éthiopiens par la Société. Ces devises seront accordées au taux fixé par la Banque d’Etat d’Ethiopie en conformité avec les règles du Fonds monétaire international et compte tenu de la commission d’usage pour les paiements suivants : a) Service financier (service de la dette, remboursement des avances, aggios); b) Paiement de retraites, indemnités de licenciement; c) Délégations de soldes aux familles du personnel, transfert de bénéfices et distributions de toute nature aux actionnaires non résidents en Ethiopie, conformément à la réglementation en vigueur du contrôle des changes; d) Achat de matériel, de marchandises, de fournitures diverses et de combustibles nécessaires à l’exploitation normale de la Société, conformément à un plan de dépenses en devises soumis au préalable au contrôle des changes et sous réserve de la possibilité pour celui-ci de demander l’acquisition de ces biens en dollars éthiopiens. Des devises étrangères pourront également être accordées pour les dépenses d’investissement de la Société décidées par le conseil d’administration. Au cas où les réserves en devises de l’Ethiopie ne lui permettraient plus de faire face à l’ensemble de ses engagements en devises, notamment de ceux découlant du présent article, les Gouvernement se consulteront en vue de définir les conditions dans lesquelles devront être assurés les transferts indispensables à la vie de la Société. Art. 10 - La Société utilisera par priorité ses recettes en francs de Djibouti pour le financement de ses dépenses de toute nature en cette monnaie. En cas d’insuffisance de ses recettes en francs de Djibouti par rapport à ses dépenses en cette monnaie, la Société fera procéder à la conversion et au transfert de dollars éthiopiens en francs de Djibouti, conformément aux dispositions de l’article 9 ci-dessus. En cas d’excédent à la fin d’un exercice de ses recettes en francs de Djibouti par rapport à ses dépenses en cette monnaie, la Société notifiera le solde constaté aux autorités éthiopiennes compétentes. Sur simple demande des autorités éthiopiennes compétentes, la Société fera procéder, compte tenu des besoins de sa trésorerie, à la conversion et au transfert de ce solde en dollars éthiopiens. Le Gouvernement français s’engage à autoriser ces opérations. Art. 11 - Le Gouvernement français garantit l’utilisation du port de Djibouti en temps de paix comme en temps de guerre. Aucune mesure de restriction ne pourra être prise par le Gouvernement français ou les autorités de la Côte française des Somalis à l’égard des passagers et des marchandises transitant par la Côte française des Somalis à destination ou en provenance de l’Ethiopie. Art. 12 - A l’exclusion de tous droits d’extraterritorialité, l’Ethiopie aura à Djibouti toutes les facilités normalement en usage dans un port franc, et notamment : a) Le traitement national sera garanti à l’Ethiopie en ce qui concerne les priorités et mesures de faveur pour l’usage des installation portuaires et des services intéressant toutes personnes et marchandises en provenance et à destination de l’Ethiopie, ainsi qu’en ce qui concerne la fourniture de toutes facilités, services et marchandises, y compris les combustibles, l’énergie, l’électricité et l’eau. b) Le droit de se servir du port pour l’importation et l’exportation de toutes marchandises sans que celles-ci soient soumises à aucun droit de douane, impôt, taxe (à l’exception des droits de port), à l’inspection portuaire ou douanière ou toute formalités, sauf celles permettant le décompte des droits de port sur les marchandises. A cet égard, les marchandises à destination ou en provenance d’Ethiopie bénéficieront d’un traitement au moins aussi favorable que celui accordé aux marchandises destinées à la Côte française des Somalis ou en provenance de ce territoire. Les envois destinés au Gouvernement éthiopien ou expédiés par lui seront soustraits à toute espèce d’inspection ou de contrôle. c) Le droit d’installer des entreprises de conditionnement et des usines de transformation dans l’enceinte du port franc. Les usines et entreprises ainsi crées pourront importer leurs matières premières librement et sans autre contrôle et perception que ceux prévus ci-dessus et exporter dans les mêmes conditions soit à l’étranger, soit en Ethiopie, leurs produits manufacturés sans aucune taxe ou impôt au profit du territoire autre que la patente et l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux au cas où il viendrait à être institué. d) Le droit de faire pénétrer dans l’enceinte du port franc pour l’accomplissement de leurs tâches les employés et fonctionnaires, y compris les agents des douanes, nécessaires à l’usage des facilités ci-dessus décrites. e) Le droit de disposer dans l’enceinte du port francs du matériel et de l’équipement nécessaire à l’usage des facilités ci-dessus décrites. f) Les garanties énumérées aux alinéas a et b du présent article s’appliqueront également au transport des passagers et des marchandises par le chemin de fer sur le territoire de la Côte française des Somalis. Art. 13 - Les agents éthiopiens des douanes, qui seront dotés d’insignes distinctifs, plomberont les wagons et, s’ils le désirent, les colis dans l’enceinte du port . Après un deuxième plombage des wagons effectués par les soins des agents de la Côte française des Somalis habilités à y procéder, les wagons sont envoyés directement en Ethiopie sans autre contrôle. Le même privilège est accordé à l’exportation. Art. 14 - Les droits de douanes éthiopiens sur les marchandises importées en Ethiopie sont décomptées sur la valeur des marchandises à quai à Djibouti. Art. 15 - La Société est représentée au Conseil du port. La moitié de ses représentants sera de nationalité éthiopienne. Art. 16 - Dans la région du chemin de fer, entre Djibouti et Addis-Abéba, les deux Gouvernements n’autoriseront la construction d’aucune ligne concurrente. Art. 17 - A l’expiration des concessions, si celles-ci ne sont pas prorogées, la voie et ses dépendances, ainsi que le matériel fixe, se trouvant sur chacun des deux territoires deviendront, sans indemnité, propriété respective de chacun des deux Gouvernements. Le matériel roulant, les éléments mobiliers et les approvisionnements resteront la propriété de la Société mais chacun des deux Gouvernements pourra les acquérir en tout ou en partie moyennant paiement de leur valeur à dire d’experts. Art. 18 - Dans le cas où la Société n’aurait pas remboursé aux deux Gouvernements les avances reçues, et où le privilège institué à l’article 12 des statuts de la Société ne suffirait pas à en assurer le remboursement, le surplus serait compensé jusqu’à due concurrence avec les sommes à payer par les deux Etats à la Société, en vertu du précédent article, pour le matériel roulant, les éléments mobiliers et les approvisionnements. Le recouvrement du solde pourra être poursuivi sur tout l’actif de la Société. Dans le cas où les deux Gouvernements ne pourraient ainsi recouvrer le montant intégral de leur créance, ils se concerteraient afin de prendre des mesures utiles à cette fin. Art. 19 - Tout différend qui pourrait naître entre les deux Gouvernements ou entre la Société et les actionnaires à l’occasion de l’interprétation ou de l’application du présent traité ou de son annexe, qui n’aurait pu être réglé à l’amiable, sera obligatoirement soumis à une commission paritaire de conciliation composée de deux membres, l’un de nationalité française nommé par le Gouvernement français et l’autre de nationalité éthiopienne nommé par le Gouvernement éthiopien. Ces désignations devront intervenir dans les deux mois qui suivront l’entrée en vigueur du présent traité. Cette commission fixe ses règles de procédure. Si la commission paritaire de conciliation ne peut se réunir ou si elle ne parvient pas à concilier les parties dans un délai de deux mois à partir de la date à laquelle elle aura été saisie, chaque partie pourra notifier à l’autre partie son intention de porter le différend devant une commission d’arbitrage composée d’un ressortissant français français nommé par le Gouvernement français et d’un ressortissant éthiopien nommé par le Gouvernement éthiopien. La même notification sera adressée à chacun des deux Gouvernements dans le cas où il ne serait pas partie au différend. Chacun des deux Gouvernement devra désigner son arbitre dans les quinze jours de la notification visés ci-dessus. Au cas où les deux arbitres ne parviendraient pas, dans un délai de deux mois après leurs désignation, à régler le différend, il feront appel à un tiers arbitre, désigné par eux, qui ne sera ni de nationalité française ni de nationalité éthiopienne. En cas de non-désignation de l’arbitre par une des parties ou d’impossibilité de désigner un tiers-arbitre, il sera demandé par la partie la plus diligente au président de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement de procéder à la désignation. Les décisions de la commission d’arbitrage sont sans recours et immédiatement exécutoires. Art. 20 - L’entrée en vigueur du présent traité met fin à toutes contestations, tous différends ou tous litiges de nature financière ou autre entre l’un ou l’autre des deux Gouvernements et la Société. Art. 21 - Le présent traité est conclu pour une période expirant le 31 décembre 2016. Il pourra être prorogé. Chacun des deux Gouvernements garantit à l’autre pendant ladite période la pleine jouissance des droits que lui accordent les dispositions du présent traité. Art. 22 - Le présent traité sera ratifié et les instruments de ratification seront échangés à Addis-Abéba. Il entrera en vigueur deux mois après la date de l’échange des instruments de ratifications. Toutefois, en ce qui concerne les comptes de la Société, le nouvel exercice commencera au début de l’année fiscale éthiopienne suivant la date de l’échange des instruments de ratification. Art. 23 - Le présent traité est rédigé en langue française et en langue amharique, les deux textes faisant foi. En foi de quoi, les plénipotentiaires ci-dessus désignés ont signé le présent traité et y ont apposé leur sceau. Fait à Addis-Abéba, en double exemplaire, le 12 novembre 1959. Approuvé par la loi n°59-1558 du 31 décembre 1959.
Echange des ratifications le 14/4/1960.
Référence Journal officiel, 15/5/1960, p. 4427
Pour citer ce document djibouti.frontafrique.org/?doc131, mis en ligne le 18 novembre 2010, dernière modification le 16 juillet 2023, consulté le 21 novembre 2024.
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